Tout salarié détaché vers la France bénéficie d’une égalité de traitement issue d’un « noyau dur » de dispositions en droit du travail dont spécifiquement la rémunération minimale devant lui être versée pendant la durée du séjour (1).
Cette rémunération est déclarée via la déclaration préalable de détachement « DPD » sur le site SIPSI du Ministère - souvent appelée « notification SIPSI » ou « déclaration SIPSI » (2) . Cette déclaration obligatoire dans le cadre du détachement transnational de salariés (3) comprend en effet une rubrique « taux de rémunération horaire brut appliqué pendant le détachement (€) » que l’employeur ou son mandataire (si la déclaration SIPSI a été confiée à une tierce personne) doit impérativement indiquer sur chaque déclaration de détachement.
Comment définir ce « taux de rémunération horaire brut appliqué pendant le détachement (€) » ?
Afin de tordre le cou à plusieurs idées reçues, « non », le SMIC et pas davantage les modalités du calcul des 35 heures ne sont des références systématiquement applicables à la détermination de ce fameux taux !
C’est en effet beaucoup plus complexe que cela !
Ici, on vous explique tout !
La réponse doit se faire en plusieurs temps :
Pour commencer, avant de calculer et d'indiquer le taux horaire "réel" de la rémunération, il faut déjà savoir quel est le salaire minimal auquel se référer, afin de pouvoir faire la comparaison de compliance nécessaire.
Même si le contrat de travail des salariés détachés en France n’est en principe pas régi par le droit du travail français, en revanche certaines dispositions législatives, réglementaires, administratives ou conventionnelles du droit du travail leur sont applicables et ce, afin de leur conférer une protection minimale.
Il s’agit notamment des dispositions des conventions collectives étendues (4) , qui correspondent à l’activité du salarié détaché dans le cadre de sa prestation en France (5) . Ainsi l’activité de référence du salarié détaché en France peut être différente de celle déclarée par l’employeur pour adhérer à une convention collective dans son pays d’origine……
Avec plusieurs centaines de conventions collectives existantes en France, l’exercice de détermination de la CCN applicable devient donc de prime abord relativement périlleux : L’entreprise étrangère a-t-elle déjà été enregistrée en France ? dispose t’elle d’un code NAF qui pourrait être liée à une CCN ? (6) Le tout doublé de l’interrogation à la branche d’activité ? (7)
C’est un véritable casse-tête auquel l’employeur - et l’entreprise d’accueil dans le cadre de son obligation de vigilance - est confronté…
Indiquer le SMIC horaire sur la déclaration SIPSI pourrait conduire, en cas de contrôle, à un recalcul des salaires et des majorations pour heures supplémentaires et déclencher la coresponsabilité de l’entreprise d’accueil sur les sommes à verser. En effet, l’entreprise d’accueil ne saurait ignorer son obligation de vigilance et son devoir de diligence dans le cadre du détachement, c’est-à-dire s’assurer que son cocontractant s’est acquitté de ses propres obligations: Si cette obligation n’implique pas que le donneur d’ordre procède à une vérification approfondie de l’intégralité des données inscrites dans la déclaration SIPSI, une entreprise d’accueil qui recevrait sans réagir une déclaration de détachement manifestement incomplète ou erronée sur des aspects qu’il ne peut ignorer, pourrait être sanctionné pour non-respect de son obligation de vigilance… sous le risque de voir sa responsabilité engagée au titre de la solidarité financière (8) .
En effet, le non-paiement total ou partiel du salaire minimum légal ou conventionnel des salariés détachés, expose le donneur d’ordre (ou le maître d’ouvrage) solidairement au paiement non seulement des salaires, mais des indemnités et charges afférentes en cas de non-régularisation leur situation par l’employeur des salariés détachés dans un délai de 7 jours (9) . Idem pour une situation de non-paiement total ou partiel du salaire minimum aux salariés détachés par un cocontractant, un sous-traitant direct ou indirect ou par un cocontractant d’un sous-traitant.
C’est pour cette raison qu’il est désormais primordial de déterminer, en amont, la convention collective française qui est applicable aux salariés détachés vers la France, qui est également souvent à tort, déterminée en fonction de l’activité de l’entreprise d’accueil, alors qu’elle doit l’être en fonction de l’activité réelle des salariés détachés.
Prenons l’exemple des techniciens qui interviennent - via un contrat de prestation - pour entretenir la climatisation dans les locaux d’une société qui dépend de la CCN SYNTEC : ces salariés détachés ne sont pas soumis à la CCN SYNTEC, mais à celle de leur activité réelle : la CCN des entreprises d'installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifique et connexes du 21 janvier 1986…
Mais une fois cette CCN déterminée, le travail d’orfèvre ne fait que commencer…
La rémunération minimale du salarié détaché dépend de son grade, coefficient, niveau, position… dans laquelle il devrait se situer au regard de la CCN qu’on vient de déterminer, « comme si » il était salarié en France : en fonction de sa fiche de poste, de son contrat de travail dans le pays d’origine, de l’avenant au contrat de travail ou de la lettre de détachement, il faut le positionner en vertu de la CCN déterminée, le tout en fonction de sa classification : Cadre ? ETAM ? technicien ? employé ? ouvrier ? car les conventions collectives fixent les rémunérations minimales en fonction de la catégorie à laquelle appartiendraient ces détachés s’ils étaient salariés en France.
Mais cela ne s’arrête pas là : La recherche de la rémunération minimale applicable, une fois la classification ci-dessus effectuée, va également dépendre de la modalité du temps de travail choisi -ou imposé- pour le type de salarié en application de la CCN : 35 heures ? 39h avec RTT (annualisation) ? forfait jour ?? Tous ces éléments doivent être pris en compte pour pouvoir déterminer le taux horaire minimal. En effet, la division de la rémunération pour obtenir un taux horaire dépendra du nombre d’heures travaillées ainsi que la modalité du calcul des heures supplémentaires (cf : certaines CCN permettent une rémunération incluant le paiement des « éventuelles » heures supplémentaires sous forme de forfait de rémunération : il faut le prendre en compte pour déterminer le taux de rémunération horaire de référence).
Ceci accompli, on peut enfin se référer aux montants des rémunération minimales indiquées dans la convention collective applicable. Ce seront ces montants qui serviront de base à la comparaison des salaires à indiquer dans la déclaration SIPSI.
Une fois les deux étapes précédentes effectuées, on peut déterminer la rémunération minimale à indiquer dans la déclaration SIPSI. Il s’agit de la rémunération au sens du Code du Travail (9) .
Comme nous l’indique Le ministère du Travail (10) , une comparaison doit être opérée entre la rémunération versée au salarié détaché au titre de la législation applicable au contrat de travail et la rémunération (salaire minimum et ensemble des accessoires de salaire prévus par la législation et la convention collective étendue applicable, cf nos points ci-dessus abordés) due au titre du détachement en France.
Pendant le détachement, la rémunération du salarié détaché doit être au moins égale au montant total résultant de l’addition des éléments suivants :
Elle n’a pas vocation à comprendre des remboursements ou indemnisation de frais professionnels engagés ou supportés par le salarié à l’occasion du détachement.
C’est à mauvais escient que l’entreprise ou son mandataire indique dans la déclaration SIPSI une rémunération qui correspondrait plus ou moins à l’enveloppe de rémunération déterminée au moment du détachement en application de la politique interne du Groupe divisé par 35 heures / semaine (CompandBen inclus / frais de logement / COLA / frais de déplacements / primes de déménagement / prime d’expatriation…) sans chercher à déterminer les éléments constitutifs du salaire au sens de la Directive de 2018 et en application des critères analysés ci-dessus (modalités du temps de travail, classification…)
C’est beaucoup plus complexe que cela !
La détermination des éléments compris (ou non) dans les éléments de salaires et des accessoires de salaires au sens de la Directive de 2018 est totalement différente de celle déterminée par les entreprises dans leur politique de fixation de rémunération lors du détachement, conduisant inévitablement à des requalifications risquées et à des demandes de re-calcul de salaires suivies d’un versement monétaire complémentaire à la charge de l’employeur ou de l’entreprise d’accueil si l’employeur ne satisfait pas à ses obligations, notamment en comparaison avec le salaire minimal de référence issu de la CCN applicable.
Cela peut donc couter très cher aux entreprises qui envoient leurs salariés en France mais également à celles qui les accueillent en vertu du principe de coresponsabilité.
Nous vous accompagnons dans ce travail de recherche de rémunération minimale et de fixation du taux horaire dans la notification SIPSI.
Contactez-nous vite !
(1) Article L1262-4 alinéa 8 du Code du Travail, en vigueur depuis le 30 juillet 2020, « Rémunération au sens de l'article L. 3221-3, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires »
(2) Articles R. 1263-4-1 et R. 1263-6-1 du Code du travail
(3) Article L1262-2-1 du Code du Travail
(4) Article L. 1262-4 du Code du travail précité
(5) Article R. 1261-2 du Code du travail
(6) Entreprises étrangères déjà été enregistrées au SFI (Service des Firmes Etrangères, ex-CNFE) pour le paiement des charges salariales
(7) Les dispositions de la CCN qui n’ont pas été, au préalable, « étendues » au niveau de la Branche pourraient être réputées non applicables, cqfd
(8) Articles L1262-4-3, R1263-15 et suivants du Code du Travail
(9) Article L. 1262-4-3 du Code du travail
(10) Article L. 3221-3 du code du travail
(11) Instruction ministérielle du 19 janvier 2021